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Zingueuse : la féminisation

En juin 1993, la Communauté française décidait de féminiser les noms de métier, fonction, grade ou titre. Cette décision a fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, elle ne fait que refléter, à travers l'évolution du langage, celle de la société.

En effet, les femmes accèdent aujourd'hui à des fonctions de plus en plus diverses, notamment à celles autrefois réservées aux hommes. N'est-il pas étonnant, dès lors, de devoir utiliser pour elles une dénomination masculine, et de parler de Madame le juge, Madame l'avocat ou Madame le Président? Car c'est surtout lorsqu'il faut désigner des fonctions de prestige que la langue semble résister au féminin. Or en refusant la féminisation des noms de fonction, on occulte le fait que les femmes occupent de plus en plus la scène professionnelle et y exercent des responsabilités. Le langage a déjà d'ailleurs évolué en la matière. Sait-on, par exemple, que étudiante désignait autrefois la maîtresse de l'étudiant et que son sens actuel date de la fin du XIXe siècle, moment où les femmes ont commencé à fréquenter l'université? Que pharmacienne a désigné d'abord l'épouse du pharmacien?

Un certain nombre d'opposants à la féminisation ont fait observer que les pouvoirs publics n'avaient pas à gérer l'usage de la langue. Il faut bien voir que le décret n'impose l'utilisation des termes féminins qu'aux administrations de la Communauté française ou à celles situées en région de langue française, ainsi que dans les ouvrages d'enseignement ou de recherche utilisés dans les établissements relevant de la Communauté française. En dehors de ce champ administratif, chacun est libre d'utiliser les dénominations qu'il souhaite. Le décret ne vise donc pas à régenter l'usage général, même si, à terme, on peut s'attendre à ce que la féminisation se répande dans tous les secteurs de la vie active. C'est déjà le cas au Québec, qui féminise depuis 1979; la Suisse a suivi le mouvement en 1988. Quant à la France, elle adoptait en 1986 une circulaire qui s'est heurtée, il faut le souligner, à beaucoup de résistance. Il est vrai qu'en matière de langue c'est souvent le conservatisme qui domine. L'opposition à la féminisation exprime sans doute une peur du changement, qui s'est manifestée le plus souvent par l'ironie. Pourquoi sourire dès que l'on évoque la cafetière, alors que cuisinière désigne à la fois l'objet et la personne?

Le débat sur la féminisation a bien montré que le langage n'était pas neutre et qu'il renvoyait à des enjeux fondamentaux : dans le cas présent, celui du rapport entre les hommes et les femmes.